Adolphe Disdéri:
Secteur transformé en
champ de bataille par les
Communards et les
Versaillais, photographie.
1871.

 

Límpressionnisme, dont l'existence même

transforma la nature en un champ de

vision personnel et sensible, libre de tout

formalisme et changeant selon le

spectateur, fit de la peinture un domaine

idéal de liberté; il attira nombre de gens

souffrant des occupations et des règles

morales toujours plus incertaines et

absurdes de la classe moyenne à mesure

que se développaient les monopoles

capitalistes.
                                                   
MEYER SCHAPIRO

 

 

a Framce a la folie des palais: elle les aime à la profusion; elle en bâtit - en voici, en voilà, à ne savoir ensuite quel parti en tirer", écrivait Eugène Pelletan dans sa Nouvelle Babylone. "On bâtit par exemple un palais au Louvre, et on y loge l'antiquité; un autre rue de Bourgogne, et on y loge le corps législatif; un autre à la Bourse, et on y loge l'agiotage; un autre aux Tuileries, et on y loge la Cour; un autre à l'Hôtel de Ville, et on y loge Monsieur Haussmann; un autre au Luxembourg, et on y loge le Sénat. En outre, de tous ces palais, Paris élève encore aux nues son innombrable famille de coupoles: une coupole au Panthéon, pour abriter la candidature de la poussière à l'immortalité: une coupole à la Sorbonne, pour couvrir des paroles; une autre aux invalides, pour couvrir des blessures; une autre au Val-de-Grâce, pour couvrir des maladies; une autre à l'Institut, pour couvrir des compliments." En s'exprimant ainsi, Eugène Pelleant voulait laisser entendre qu' un bouleversement complet était en train de s'effectuer dans Paris sur le plan de l'urbanisme, sans que le baronHaussmann, qui en était l'instrument, ni le Sénat, ni l'Assemblée legislative, ni l'Institut de France, ni lÚniversité, ni aucume autre instituition, n'osent paraître en être conscients. L'empereur avait tranquillement ordonné un nettoyage général de la Ville.
       Ce n'était pas sans raison: la vieille ville, éclairée alors au gaz, était paralysée par circulation. Voitures de tous les types imaginables, cavaliers et piétons encombraient ses rues trop étroites; le nombre de véhicules s'étaite accru récemment de quelques centaines d'omnibus à chevaux, de vélocipèdes, de bicycles, sans parler de chemns de fer dont les locomotives à vapeur pénétraient toujours plus avant vers le coeur de la ville. Paris compatait alors deux millions d'habitant, mais il y restait des moulins à vent à Montmartre, des prés et des champs au Trocadéro, des paysages bucoliques derrière l'Arc de triomphe. Sous les fenêtres royales du Palais du Louvre s'etait installé un marché aux puces avec ses étalages en plein vent, ses amas de vieilles ferrailles, sans compter les oiseaux dans des volières, les cochons d'Inde couchés sur de la paille, les écureuils faisant tourner leurs cages, et toutes sortes de bêtes et de gens qui provoquaient un charivari infernal. Sur l'ordre du baron Haussmann, tout cela disparut dans la floraison bizarre des statues disposées au même moment le long de la balustrade de son portique.
      La rue de rivoli était prolongée, le boulevard Strasbourg ouvert sur les déblais d'anciens immeubles; une nouvelle voie fut percée à travers le jardin du Luxembourg en déplaçant la Fontaine de Médicis et en abattant au passage l'arbre de la Liberté, relique vénérée de la Révolution de 1789; de nouvelles avenues se mirent à proliférer soudaint dans toutes les diections, "axes qui ne menaient nulle parte", disait-on, jusqu'à ce que l'on s'aperçût qu'elles permettaient de sortir repidament de celle-ci; autrement dit, qu'elles étaient, selon les termes d'un éminent historien de l'époque. "merveilleusement accessibles à l'air, á la lumière et à l'infatarie". Comme l'a fait remarquer Eugène Pelletan, "on démolit Paris parce que la révolution de Février (1848) a démontré qu'aucun gouvernement honnête ne pouvait tenir dans ce coupe-gorge d'un million d'ames, dans cet écheveau inextricable de rues, de ruelles, d'impasses, de galeries, où avec une douzaine de pavés l'un sur l'autre et autant de blouses (d'ouvriers) derrière ces paves, la première société secrète venue, coiffée du système de feu M. Maximilien Robespierre, pouvait arrêter un jour, deus jours, trois jours mème, toute l'infaterie, toutela cavalerie, toute l'artillerie, toute la gendarmerie de la garnison de Paris".

 
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