Chez Sisley et Pissarro, la leçon de
Courot est encore vivante, mais ces peintres s'en dégagent
progressivament. Ils ont la modestie de leur vieux maître qui
disait: "je n'ai qu'une petite flûte, mais je tâche de donner la
note juste" et veulent que leur oeuvre dégage une harmonie
formelle et chromatique, pafaitement autonome.
Les découverts de Pissarro, Sisley ou Guillaumin
sont moins spectaculaires sur le plan technique que celles de
Monet: elles n'en sont pas moins déterminantes et authentiques.
Vivant à la campagne - même Montmartre échappait encore
totalment à la ville - ils n'ont pas la même touche, audacieuse
et libre que Monet découvre dans l'etude des reflets, mais
éprouvent également la nécessité de parvenir à des effets
atmosphériques, loin du pittoresque et de l'anecdote.

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Pissarro sait
merveilleusement recréer le sentiment que provoquent les effets
lumineux les plus quotidiens: la plénitude d'une saison, de sa
lumière, de sa chaleur et de ses parfums se retrouve derrière
chacune de ses touches de coleur. Beaucoup plus tard, en 1903,
il confiera à un journaliste du Havre qui l'interrogeait: "Je ne
vois que des taches. Lorsque je commence un tableau, la première
chose que je cherche à fixer c'est l'accord. Entre ce ciel et ce
terrain et cette eau, il y a nécessairement une relation d'accords,
et c'est là la grande difficulté de la peinture. Ce qui
m'intéresse de moins en moins dans mon art, c'est le côté
matériel de la peinture (les lignes). Le grand problème à
résoudre, c'est de ramener tout, même les plus petits détails du
tableau, à l'harmonie de l'ensemble c'est-à-dire l'accord.
Sisley et Guillaumin, ce dernier surtout, ont un
langage plus descriptif. Ils n'ont pas encore renoncé à la
valeur pour la couleur. Cependant la vie, la lumière, le vent et
la chaleur font éclater le cadre strict de la vision
traditionnelle.
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