1869: La Grenouillère
"Etat désesperant. J'ai vendu une
nature morte et j'ai pu travailler un peu. Mais, comme
toujours, me voilà arrête, faute de couleurs [...] Moi seul
cette année n'aurai rien fait." Monet écrit ces lignes le 25
septembre 1869, un mois après avoir peint La Grenouillère en
compaignie de Renoir. Sa misère est si grande qu'il accepte
le pain que son camarade lui apporte chaque fois qu'il vient
le rejoindre. Cette détresse matérielle ne transparaît
cependant jamais dans sa peimture. Il est tellement séduit
par la richesse, la vie et la variété de la nature qu'il
oublie en la regardant ses problèmes personnels. Durant ce
dur été, les liens qui unissent Renoir et Monet se
renforcent; ils vont ensemble sur le motif. Monet, dont la
sensibilté optique est incomparable, a'déjà fait les
observations d'où découleront les característiques du style
imoressionniste. Il fait figure de guide, il montre le
chemin. Renoir va se libérer à son contact de la forte
emprise que Coubert a encore sur lui. Les deux amis peignent
des paysages de La Grenouillère côte à côte, le même jour, à
la même heure. Dans cette toile, Monet arrive au seuil de
l'impressionnisme, au moment où il réalise les dernières
inventions techiniques qui lui permettront de traduire
librement sa sensation. Les impressionnistes ne sont pas à
la recherche d'une formule toute faite ou d'une recette
qu'il s'agirait simplement de retrouver.
Véritables créateurs, ils ont une
nouvelle vision du monde. De 1865 à 1872,
ils constatent des phénomènes qui
les obligent à peindre d'une manière inédite, à
inventer une façon de s'exprimer, car ce qu'ils ont à dire
ne ressemble à rien de ce qui a déjà été fait.
Ils avancent en tâtonnant dans l'inconnu. Leur
guide n'est plus le bon goût ou les recettes d'ateliers mais
la vérité de leurs sensations.
|