Le Café Guerbois

     "Les réunions au café Guerbois, de Manet apportant la peinture par tons clairs et couleurs vives et de Claude Monet, Pissarro, Renoir apportant le procédé et la technique de la peinture en plein air, devaient avoir de féconds résultats. Il devait en sortir le puissant développement d'art que nous allons bientôt voir se produire sons le non d'Impressionnisme."

                                                                                Théodore Duret, Renoir

 

 


Edouard Manet: Intérieur de café (Café Guerbois?), plume - 1869
 


"Ce fut en 1869 seulement que je le [Manet] revis, mais pour entrer dans son intimité aussitôt, dès la première rencontre. Il m'invita à venir le retrouver tous les soirs dans un café des Batinolles où ses amis et lui se réunissaient ao sortir de l'atelier poru causer. J'y rencontrai Fantin-Latour et Cézanne. degas qui arrivait peu après d'Italie, le critique d'art Duranty, Emile Zola qui débutait alors dans les lettres, et quelques autres encore. J'y amenai moimême Sisley, bazille et Renoir. Rien de plus intéressant que ces causeries avec leurs chocs d'opinions perpétuels. On s'y tenait l'esprit en haleine, on s'y encourageait à la recherche désintéressée et sincère, on y faisaitdes provisions d'enthousiasme qui, pendant des semaines et des semaines, vous soutenait jusqu'à la mise en forme définitive de l'idée. On en sortait toujours nieux trempé,la volonté plus ferme, la pensée plus nette e plus claire."
                                                                                                          Monet

 

au vert cadavérique et qui était boutonné de haut en bas jusqu'aux chevilles. Il serrait les mains à la ronde, mais, lorque Manet tendit vers lui sa belle mainblanche, Cézanne leva ls yeux vers lui et dit: "Non, je ne vous donne pas la main, Monsieur Manet, je ne suis pas lavé depuis huit jours". Puis il s'asseyait dans un coin, sans particper à la conversation générale et gardant pour lui ses opinions, jusqu'à ce que quelque remarque l'ait particulièrement offensé.
      Dans les premiers mois de 1870, manet et le critique Edmond Duranty se disputèrent ao café Guerbois. La raison peut en avoir été une anecdote rapportée par Duranty au sujet d'une personne qui, regardant la leçon de musique, aurait dit, avec un frémissement d'horreur: "Quelle débauche!" Duranty se donna ensuite beaucoup depeine pour se justifier dans un numéro de Paris Journal. Manet demande une explication séance tenante et ne recevant pas de réponse satisfaisante, gifla Duranty. Seul un duel pouvait réparer une telle insulte et les deux amis se trouvèrent bientôt face à face sur le pré, flamberge au vent. A en croire Zola, qui était le témoin de Manet, les deux adversaires ignoraient tout des règles de l'escrime, mais ils se ruèrent l'un sur l'autre avec une telle fureur que leurs épées auraient été transformées en tire-bouchons. manet, qui avait légèrement touché Duranty à la poitrine, fut déclaré vainqueur. Ils restèrent ensuite les meilleurs amis du monde.
      Malheureusement, les susceptibilités nationales ne purent pas être apaisés aussi facilement au cours de cette année fatale. Le Café Guerbois survécut à la guerre, au siège, à l'occupation et à la révolution,mais il ne put jamais plus se vanter d'une aussi brillante clientèle. Transformé sous le nom de brasserie Muller, il succomba à la pioche des démolisseurs au cours de la dernière génération, et son emplacement est occupé aujourd'hui par un magasin "Prisunic".
      Le nouveau chemin de fer qui mettait Saint-Germain à vingt minutes de Paris amenait à la campagne les Parisiens, et en particulier ceux de la jeune génération auxquels manquaient les moyens de se payer une voiture à cheval, ou qui n'avaient pas encore découvert le vélocipède. Le restaurant du père Fournaise - une plate-forme en bois construite sur le lit de la Seine, à Croissy près de Chatou, où les clients, assis sur des bancs sans dossier devant de longues tables en planches, consommaient sous une toile de tente bleue - était appelé La Grenouillère, dénommé ainsi non parce que l'endroit ressemblait effectivament à une mare, mais parce que, d'après jean Renoir "grenouilles" était le terme d'argot pour désigner les jeunes femmes, les petits grisettes, qui venaient passer là les dimanches d'été avec leurs vigoureaux compagnons. Renoir aimait le genre populaire d cet endroit où les petites "grenouilles" et leurs partenaires en maillots de tricot posaient souvent pour lui sans rien lui demander.
      Monet et Camille viennent habiter Bougival, un peu plus bas en aval, non parce que Monet avait besoin de mod`les, mais parce qu'à cet endroit la rivière était assez large pour des régates, des courses de rames e autres événements colorés de la vie sur le fleuve. son élimination du Salon de 1869 lui avait porté un coup sévère, mais il avait reçu de armateur Gaudibert une somme suffisante por louer     

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