
Le Salon au Palais de l'Industrie à
l'Exposition Universelle de 1855, photographie.
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Le Salon de 1869, le dernier jour de
l'envoi des tableaux, gravure de Del. |
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L'élection des membres du jury qui décidait
des oeuvres à retenir constituait l'un des pricipaux évébements
avant l'overture du Salon. Les artistes qui avaient exposé aux
Salons précédents avaient le droit de vote pour élire les membres du
jury, mais ils étaient répartis en une trentaine de catégories
différentes, telles que les représentaient les divers ateliers des
Beaux-Arts, ou d'autres qui se désignaient elles-mêmes - par exemple
les jeunes peintures intransigeants - les libéraux, le groupe de
dames, etc. Chaque coterie présentait sa liste de candidats pour les
quarante places que comprenait le jury, ou plutôt, selon le terme
officiel, le Comité de réception. Les représentants ainsi proporsés
devaient bien entendu avoir pour tâche de faire admettre les oeuvres
de leur prope coterie, mais aussi de surveiller ce qui se passait
dans les autres groupes. Le jour du vote, les listes étaient
apportées dans la grande galerie centrale qui donnait sur les
Champs-Elysées. Comme tout cela se passait en général tôt dans
l'année, on allumait un grand feu dans la cheminée monumentale où
brulaient des arbres entiers. Là, les listes, sujettes à revision
jusqu'à la dernière minute, étaient placées sur une table longue
d'une douzaine de mètres, pour être comptées, recomptées et
examinées. Vers quatre heures de l'après-midi, la plupart des listes
des candidats étaiente prêtes, et, tandis qu'on en donnait lecture à
haute voix, les quelque quatre ou cinq cents membres des diverses
coteries et leurs amis se tenaient autour des tables, parlant, riant,
créant un immense brouhaha sous la haute verrière de la galerie. A
six heures, les employés du Palais apportaient des lampes à pétrole
et certains des assistants, craignant les truquages à la faveur de
la pénombre, se poussaient le long de la grande table et regardaient
par-dessus les épaules des scrutateurs.
A huit heures du soir, on servait une petite
collation - vins et viandes froides - et l'excitation parvenait à
son comble.Certains par reillerie, risquaient des cris d'animaux ou
poussaient des essais de tyroliennes, dans une ambiance générale de
fêtê de village. On regarnissait de bûches le grand foyer dont le
rougeoiement de feu de forge illuminait toute la galerie. Chacun
commençait à fumer du gros tabac, les lampes n'étaient plus que des
disques jaunâtres perdus dans la fumée, le plancher disparaissait
sous les papiers, les bouchonns, les morceaux de pain, les
bouteilles vides, sans compter les débris de vaisselle. C'était un
relâchement général et inévitablement quelque sculpteur montait sur
une chaise et haranguait l'assistance pour défenfre son oeuvre.
Puis, petit à petit, la foule s'en allait, pour être remplacée,
après minuit, par de gens du mone en habit noir et en grandes capes
qui, sortant du théâtre ou d'une soirée, venaient prendre
connaissance des résultats avant que ceux-ci ne paraissent dans les
journaux dumatin, dont les reporters étaiente tous là en train de
tourner autour de la longue table. Le plus souvent, vers une heure
du matin. les dernières corrections étaient faites, le compte final
arrêté, on donnait lecture des noms de quarante membres du Comité de
récption. Tous les peintres non conformistes espéraeint que Gustave
Coubert se trouverait sur la liste et, le plus souvent, son non y
figurait, car son puissant génie et sa présence persuasive ne
pouvaient être facilement ignorés.
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