Le tableau était donc tout entier dans les gris.
Mais lorsqu'il eut été peint, que je le considérais
comme teminé d'une manière heurese, je vis cependant
que Manet n'en étaite pas satisfait. Il cherchait à
y ajouter quelque chose. Un jour que je revins, il
me fit mettre dans la pose où il m'avait d'abord
renu, et plaça près de moi un tabouret [...] Il
plaça encore par-dessus le tabouret un plateau de
laque avec une carafe, un verre et un couteau. Tous
ces objets constituèrent une addition de nature
morte, de tons variés, dans un angle du tableau, qui
n'avait aucubement été prévue par lui et que je
n'avais pu soupçonner. Mais après il ajouta un objet
encore inattendu, un citron sur le verre du petit
plateau.
Je l'avais regardé faire ces additions successives assez
étonné, lorsque me demandant quelle en pouvait être
la cause, je compris que j'avais en jeu, devant moi,
sa manière instinctive et comme organique de voir et
de sentir. Evidemment, ce tableau out entier gris et
monochrome ne lui plaisait pas. Il lui manquait les
couleurs qui pussent donner consentement à son oeil,
et ne les ayant pas mises d'abord, il les avait
ajoutées ensuite, sous la forme de nature morte".
Théodore Duret, Histoire d'Edouard Manet
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