C´est à partir de 1872 que Degas s´intéresse à la danse; il franchit la porte qui sépare le public des coulisses en compagnie de son ami le musicien Désiré Dihau qui le conduit au foyer de l´Opéra. Le peintre est aussitôt passionné par le mélange de réel et de factice qu´il rencontre. Si le champ de course le rend attentif à vitesse, la danse lui révèle l´expression - jusque dans la fixité - par la recherche de l´équilibre du personnage dans le déséquilibre de chaque geste décomposé. La danseuse, même immobile, donne l´impression de bouger, car, chacum de ses membres garde l´empreine du mouvement fixé dans l´exageration de son développement. Degas multiple les études pour passer de la vérité de l´observation à cellle de sa transposition plastique. Abordant ce sujet nouveau, il commence par peindre les danseuses au repos et parvient progressivement, dans les annés 1876, à l´animation. La ligne dans son déroulement, faite de retours est de prodigieux élans, lui donne la possibilité de restituer par son écriture même la grâce du geste de danseuse ou la souplesse de son étirement. Mais l´impression du mouvement ne serait pas complète si elle n´etait mise en évidence d´une part par le contre-jour de l´éclairage scénique et d´autre part par les raccourcis prodigieux de la composition. Degas se joue avec une habilité incomparable de l´espace grâce á la hardiesse de ses points de fuite et de ses découpages. Avec un instinct très súr, il substitue à l´ordonnance symétrique des compositions classiques le soi-disant "déséquilibre" dynamique de la composition moderne, où l´équilibre n´est plus créé par l´équivalence des masses mais par les rapports de la tension entre les pleins et les vides.
     En 1878 il abordera la sculpture, pour ménager ses yeux d´une part, mais surtout pour arriver à l´expression ultime du mouvement jusque dans la masse statique du volume.


Edgar Degas:
Danseuse au repos, pastel - vers 1880-1882.
Fin d´arabesque - 1877.
 
 

 

"Je parle d´autrefois, car à part le coeur, il me semble que tout vieillit en moi proportionnellement. Et même ce coeur, a de l´artificiel. Les danseuses l´ont cousu dans un sac de satin rose, du satin rose un peu fané, comme leurs chaussons de danse."

Lettre de Degas au sculpteur Albert Bartholomé, 17 janvier 1886

 

 

 

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