Et
puisque, après tout, il faut être deux pour tenir un palais, ils virent
leur empereur prendre por épouse, à Notre-Dame de Paris la grande et
belle Eugénia Maria de Montijo de Guzman:la vaste nef tendeu de velours,
les voûtes disparaissant sous les fleurs, et les bascôtés resplendissant
de cierges et de lamé d'or, la mariée en velors diamants à son corsage,
et, sur ses cheveux d'un blond vénitien, un long voile en point d'Alençon
sous une couronne de fleurs d'oranger, le grand peigne dressé et diadème
sertis de magnifiques saphirs; l'empereur et l'impératrice dans
leur modeste petit carrose nupcial aux panneaux peints et aux coussins
de satin sur lesquels était brodé le grand "N", qui faisat dáilleurs sa
répparition partout, sur les tapisseries et l'argenterie comme sur les
ponts de pierre; l'empereur et l'impératrice recevant au Palais des
Tuileries les invités éblouis gravissant lentement la rampe de
l'escalier d'honneur entre deux haies figées de Cent-Gardes vert et or,
dont les casques imposants portaient, eux aussi, le monogramme impérial.
Ils virent aussi l'empereur et l'imperatrice lancer la
mode: les femmes portant des toilettes surchargées de paillettes,
dentelles, falbalas, tulles, rubans et fleurs artificielles, et la
crinoline, qui leur permettait de glisser avec grâce sur les parquets
cirés, mais jamais de s'asseoir; leurs partenaires en pantalons étroits
et en habits à queude-pie et taille de guêpe, portant d'énormes chaînes
de montre, des berloques, des gants, et, le soir, le chapeau claque, ou,
le jour, le tuyau de poêle.
Les souverains étrangers
venaient voir et admirer; le tsar de Russie, le roi de Prusse, la reine
Victoria (tout émur d'avoir surpris l'empereur murmurer à l'impératrice:
"Comme tu es belle!", le prince de Galles, le sultan de Turquie, des
envoyés japonais. Et le spectacle offert
aux Français continua: L'impereur et l'imperatrice dansant au rythme des
mélodies d'Offenbach au bal Mabille, faisant ensemble des promenades à
cheval à Fontainebleau, patinant sur le lac du Bois de Boulogne,
canotant, sortant en voiture, allant à chasse, assistant aux revues;
l'empereur travaillant à une Vie de César tandis que l'imperatrice
s'amusait à faire tourner les tables et cultiver la mémoire de
Marie-Antoinette; l'empereur et l'imperatrice allant au
Théâtre-Français voir Sarah Bernhardt dans la Dame aux Camélias, ou au
Théâtre des Italiens pour entendre la Patti dans le nouvel opéra de
M.Gounod; l'empereur sel dans sa loge pou admirer Hortense Schneider
dans la Belle Hélène, ou seul encore dans bien d'autres occasions de
plaisir. Telles étaient les griseries de la
réussite. Comment Louis-Napoléon aurait-il
pu se douter que la gloire ineffaçable des deux décennies de son règne
n’émanerait ni de sa personne,ni de son armée, ni de sa cour, mais des
talents de quelques jeunes, dont un seul était alors parvenu à l’âge
d’homme? L’année même où Napoléon avait goûté au vin de la dictature,
Camille Pissarro avait vingt et un ans ; Edouard Manet dix-neuf et
Edgard Degas dix-sept ; Alfred Sisley et Paul Cézanne avaient tous deux
douze ans ; Claude Monet, onze ans, et Auguste Renoir, Berthe Morisot,
Armand Guillaumin et Frédéric Bazille dix ans.
« De jeunes révolutionnaires en colère » devait les appeler Zola. |
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Les
"promesses dorées et voluptueuses" du Second Empire
Au moment
de l'Exposition Universelle de 1885, Ingres
a 75 ans. Corot 59 ans, Delacroix 57 ans,
Diaz 47 ans, Th. Rousseau
43 ans, Millet 41 ans, Daubigny 38 ans,
Coubert 36 ans.
En ce qui concerne la génération des impressionnistes, Pissaro a 25
ans, Manet 23, Degas 21, Cézanne et Sisley
16 ans, Monet 15 ans, Renoir et Berthe
Morisot 14 ans.
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Honoré Daumier: une erreur excusable.
Poulets croyant retrouver la cage dans
laquelle ils ont passé leur première
jeunesse litographie - 1857 |

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Imperatrice Eugenie et ses dames
d'honneur. (couleur
comme à l'origine) |
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Constantin Guys:
Aux Champs-Elysées, plume, lavis brun, sépia et
aquarelle.
La grand Galerie au Palais de
Beaux-Arta à l'Exposition
Universelle, Paris, bois gravé - 1855
Franz Xaver Winterhalter:
L'Impératrice Eugénie et ses dames
d'honneur. |
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A notre époque, et
avec le recul d'un siècle, les facteurs qui contribuent à la réussite et
à la continuité d'une insurrection sont bien connus. On remarque, par
exemple, qu'aucun régime insurrectionel ne s'est abstenu
d'exercer son autorité sur les activités
esthétiques et discute même plus la question de la libre expression dans
le domaine artistique, si ce n'est pour prover qu'elle n'existe
pas. On énonce plus souvent explicitement qu'on ne le laisse
sous-entendu, le principe révolutionnaire selon lequel
la réglementation et l'orientation de toute forme
d'expression sont essentielles au maintien de l'exercice du pouvoir
politique. Bien entendu, les oligarques des temps passés n'ignoraient
pas ce principe, et certains d'entre eux l'ont appliqué pour réprimer
les révoltes. C'est ainsi que Louis XIV, qui, de Versailles où il était
en sécurité, observait le climat séditieux de la capitale, s'était
assuré le concours de l'Académie française et de l'Académie royale de
peinture et de sculpture, afin de s'attacher, à coups d'honeurs et de
pensions, les espirits indociles et frondeurs de son époque. Bien que
ses successeurs immédiats aient moins bien réussi à mettre cette méthode
en pratique, il est significatif qu'après 1789, la Révoluition, tout en
élargissant les atribuitions de l'Académie, ait maintenu une étroite
surveillance sur l'aavtivité créatice. La dictature populaire qui s'en
est suivie a ainsi pu utiliser pleinement les activités artistiques à
ses propres fins. En effet, les immenses toiles illustrant les épreuves
et les triomphes de Napoléon I ont continué à rehausser jusqu'à nos
jours sa gloire et son prestige.
En 1791, en vertu d'un décret de l'Assemblée Nationale,
l'exposition annuelle de 'Académie des Beaux-Arts (cést ainsi qu'on
l'avait rebaptisée) avait été ouvert aux artistes non membres de
l'Académie et aux peintres étrangers. Ainsi inaugurée, l'époque de l'art
bourgeois put se developper et s'épanouir. Installées dans les chatêaux
et autres résidences dont l'aristocratie avait été expropriée, ou s'en
construisant d'autres, les nouvelles classes moyennes entreprirent,
suivant leur propre goût, la décoration de ces demeures adaptées à leur
niveau social. Au début, quelques centaines de tableaux étaient
présentés aux expositions annuelles, ou Salons; mais ce nombre s'était
accru jusqu'à plusieurs milliers, lorsque Balzac s'en plaignait déjà en
disant que depuis 1830, le Salon était devenu un vrai bazar.
Il existait alors un engouement pour les
productions participant d'un véritable culte artistique de l'antiquité.
cette "anticomanie" était appaure dans le dernier quart du siècle
précédent. Un parfait exmple de ce culte est donné par le tableau de
Thomas Couture Les Romains de la Décadence, auquel fut attibué la
haute récompense que constituait la médaille d or, au Salon de 1847.
Dans cette toile typiquement académique, les raisons supposées da la
chute de Rome sont représentées, comme dans un "tableau vivant", par un
certain nombre de modèles drapés dns des toges. Le public adorait ces
grandes machines, comme on les appelait alors. Les nus n'étaient pas
exclus, mais ils figuraient toujours dans quelque reconstiuition
archéologique ou mythologique. On acceptait aussi les paysages, à
condition qu'ils dépeignent l'Orient mystérieux ou quelque décor
romantique imaginaire.
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