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Après la guerre
"Ils revinrent de Londres plus résolus que jamais à ne
peindre qu'avec les couleurs du prisme et à juxtaposer sur leurs
toiles tous les tons que leur oeil si fin percevait dans une
impression de nature. On devine avec quel enthousiasme et quelle
chaleur, au café Guerbois et dans ateliers amis où ils se
retrouvaient les uns les aoutres, ils firent part à leurs
camarades de leurs découverts et de leurs réflexions. Ceux-ci
qui, eux-mêmes s'efforçaient, par tâtonnements, d'exprimer la
sensation qu'ils avaient de ces phénomènes de couleurs, ces
contrastes, de ces réactions et de ces influences réciptoques,
furent enchantés de revoir cette confirmatiion de leurs
perceptions et de leurs recherches. Leur palette s'épura et
s'éclaircit davantage encore."
Georges Lecomte, Pissarro
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Claude Monet: Le bateau-atelier- vers 1874 |
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Paul Cézanne: Quatre personnes assises dans un parc, avec
parasol et voiture d'enfant, crayon.
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compromettant que le peintre adressa à
Marie Le Coeur, âgée alors de seize ans. A cette époque, Renoir était un
jeune homme décharné, et d'un sérieux à toute épreuve, si maigre que les
paysans le voyant peindre dans les champs se disaient: "Il pourrait
biser une bique entre les cornes".
Monet ne rentra pas immédiatement à Paris après la
guerre, mais il alla en Hollande, soit sur l'invitation de Daubigny,
soit en sa campagnie. Bien que généralement classé dans l'école de
Barbizon. Daubigny se rattachait étroitement aux peintres de marine tels
que Jongkind et Boudin. Il s'était construit un petit atelier sur une
barque à fond plat qu'il manoeuvrait à la perche sur la Seine ou la
Marne, et d'où il peignait directement d'après nature. Il se sentait
probablement tout à fait chez lui sur les larges canaux du Zaandam,
juste au nord d'Amsterdam, où Monet peignit aussi quelques toiles avec
des tons plus colorés.
Dès son retour à Paris, Monet se rendit aussitôt
à Argenteuil et se mit à la recherche d'un bateau assez grand pour
installer un petit atelier et, si possibible, s'y loger. C'est alors
qu'il rencontra un jeune homme de vingt-quatre ans, Gustave Caillebotte,
qui venait d'hériter de son père une grosse fortune. Ce dernier, qui
possédait plusieurs bateaux de course et connaissait bien toutes ces
questions, aida Monet à trover et à aménager son atelier flottant.
Monet, venu lui rendre visite, fit encore mieux en peignant le bateau
avec Monet à bord en train de peindre. Il s'agit d'une barque à rames à
faible tirant d'eau, avec à l'arrière une cabine assez haute devant
laquelle on reconnaît Camille confortablement assiste. Monet em blouse
blanche et coiffé d'un chapeau de paille, se tient à la proue, assis
sous une petite tente à rayures. Devant lui, une des nombreuses toiles
qui furent peintes sur ce bateau: beaucoup représentent les nouveaux
ponts métalliques jetés à cette époque sur la Seine et sur l'Oise qui,
bien qu'aujourd'hui démodés, incarnaient alors cette modernité à
laquelle aspiraient les jeunes peintres.
Dès son retour à Paris, Monet se rendit aussitôt
à Argenteuil et se mit à la recherche d'un bateau assez grand pour
installer un petit atelier et, si possibible, s'y loger. C'est alors
qu'il rencontra un jeune homme de vingt-quatre ans, Gustave Caillebotte,
qui venait d'hériter de son père une grosse fortune. Ce dernier, qui
possédait plusieurs bateaux de course et connaissait bien toutes ces
questions, aida Monet à trover et à aménager son atelier flottant.
Monet, venu lui rendre visite, fit encore mieux en peignant le bateau
avec Monet à bord en train de peindre. Il s'agit d'une barque à rames à
faible tirant d'eau, avec à l'arrière une cabine assez haute devant
laquelle on reconnaît Camille confortablement assiste. Monet em blouse
blanche et coiffé d'un chapeau de paille, se tient à la proue, assis
sous une petite tente à rayures. Devant lui, une des nombreuses toiles
qui furent peintes sur ce bateau: beaucoup représentent les nouveaux
ponts métalliques jetés à cette époque sur la Seine et sur l'Oise qui,
bien qu'aujourd'hui démodés, incarnaient alors cette modernité à
laquelle aspiraient les jeunes peintres.
Gustave Caillebotte s'interessa à tel point aux
projets de Monet qu'il semit lui-même à peindre, entra aux Beaux-Arts et
travailla dans l'atelier de Bonnat. Quelques-unes de ses toiles semblent
avoir êté faites non seulement sur le bateau de Monet mais également
dans la manièr de celui-ci.
Pissarro trouva un noveau toit pour lui et sa
famille au 22 de la rue de l'Hermitage, à Pontoise, non loin du
confluent de la seine et de l'Oise, et il y resta les dix années
suivantes. C'est là qu'il perdit sa fille Minette et que vinrent au
monde deux de ses enfants. Vollard dit que Madame Pissarro devait
travailler elle-même son jardin pour faire vivre toute la famille. La
mère et la soeur de Pissarro semblent avoir séjourné chez eux une partie
du temps. Et il y avait toujours des amis. "Guillaumin vient de passer
quelques jours chez nous." écrivait Pissarro à Duret. "Il travaille le
jour à la peinture , et le soir à ses fossés. Quel courage!" |
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C'est pendant cette période, dit Lionello
Venturi, que "Pissarro développe son style d'esquisse, perfectionne ses
rapports de couleur et de lumière, réduitle motif à une maison de
campgne, et prête aux arbres un caractère plus familier.
Il entreprit plus tard de traiter des
personnages, introduisant bergères et laitières dans ses toiles, à la
consternation de ses amis qui craignaient qu'il ne commence à
sentimentaliser la vie bucolique, à la manière de Millet. "Mais c'est
Millet qui est biblique, répliquait Pissarro, et c'est moi qui suis
hébreu.
Il se concentra cependant sur les sensations de la lumière dans les
paysages.
Cézanne réapparut non loin de là, à
Auvers-sur-Oise. Il se trouvait à Aix-en-Provence lors du désastre de
Sedan. Au moment où le gouvernement de Défense Nationale avait annoncé
son intention de rassembler une armée dans le Midi pour dégager Paris.
Cézanne était parti pour le petit village de pêcheurs de l'Estaque, où
il resta jusqu' à la fin de la guerre. "J'y ai beaucoup travaillé sur
lemotif", dit-il à Vollard, curieux de savoir ce qu'il avait été faire
là-bas. Cela semblait une explication suffisante. Il revint du Midi
accompagné d'Hortense Fiquet, sa compagne et son ancien modèle, et ils
habitèrent quelque temps un petit appartement près de la Halle-aux-Vins,
où naquit leur fils, appelé lui aussi Paul.
Pissarro fut un peu étonné du tour qu'avait pris
la peinture de Cézanne depuis leur dernière rencontre. Ilécrivit à Duret:
"Dès le moment que vous cherchez un mouton à cinq pattes, Cézanne pourra
vous satisfaire, car il a des études fort étrangers et vues d'une facon
unique."
Le docteur Paul Gachet, l'ami que Cézanne avait
rencontré au Café Guerbois, avait servi comme médicin militaire pendant
la guerre. Le "docteur Gachet des Ambulances", comme on l'appelait,
venait d'acheter une belle maison sur la pente d'une colline dominantla
vallée de l'Oise, où habitaient sa femme et ses enfants, pendant que le
docteur, spécialiste homéopathe, s'occupait de sa clientèle trois jours
par semaine. Cézanne s'installa chez les Gachet et peignit des paysages
dans le voisinage. il travaillait simultanément à deux sujets, un le
matin, l'autre l'après-midi, en sortant chaque jour à des heures
régulières. Il avait également des sujets différents pour les jours
grise les jours ensoleillés. Madame Gachet arrangeait et écrivit à Duret:
"Notre Cézanne nous donne espérances, et j'ai vu, et j'ai chez moi, une
peinture d'une vigueur, d'une force remarquables. Si, comme je léspere,
il reste quelque temps à Auvers où il va demeurer, ilétonnera des
artistes qui se sont hâtés trop tôt de le condamner."
Duret remarque que "ce fut à Auvers [...] qu'il
se mit, avec la ténacité qui lui appartenait, à peindre des paysages
directement devant la nature. Ce fut aussi à cemoment qu'il trouva son
coloris tout à fait personnel. Il s'était avancé dans une voie qu'il n'avait
pas encore parcourue [...] mais lorsqu'il eut dévelopé sa gamme de tons,
harmonieuse dans ce qu'on pourrait appeler la violence, les autres
surent en profiter. A cette époque Pissarro peint des paysages où entre,
pour une part, un coloris éclatant, suggéré par celui de Cézanne."
Le docteur Gachet acheta Une moderne Olympia de Cézanne, ainsi qu'un
certain nombre d'autres toiles. |
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Pissarro et Cézanne, photographie.
"[...] il [Cézanne] a subi mon influence à
Pontoise et moi la sienne. Tu te rapelles les sorties de Zola et
Béliard à ce propos; ils croyaient qu'on inventait la peinture
de toutes pièces et que l'on était original quand on ne
ressemblait à personne. Ce qu'il y a curieux, c'est, dans cette
exposition de Cézanne chez Vollard, la parenté qu'il y a dans
certains paysages d'Auvers, Pontoise, avec les miens. Parbleu,
nous étions toujours ensamble." |
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